samedi 27 mars 2010

Bêtes en tous genres

Il y a un tas de petites bêtes qui peuplent notre univers et dont nous n’avons même pas connaissance ni même conscience. Il est vrai que le mépris humain à l’égard des autres espèces vivantes est assez remarquable. Cependant, en toute objectivité, nous ne saurions être des encyclopédies vivantes et si la douve du foie a pu, à un moment ou à un autre alimenter la conversation de l’un ou l’autre d’entre nous, elle en est bien vite ressortie !..
Pourtant quel destin !
Ci-après, je vous en restitue le portrait que m’en avait fait Maurice Grimaud, mon vieil ami décédé il y a peu et qui me manque tant.
Il commentait mon texte « La bête à bon diable » :

(…) Je n'aime pas moins ta familiarité avec les insectes, avec une dilection pour les araignées et j'ai suivi jusqu'au bout l'apprivoisement et la triste fin de ta compagne. Il me semble me souvenir que Silvio Pellico* qui, lui, méditait sous les plombs de Venise, avait capté l'amitié d'une araignée qui lui rendait visite chaque matin. Combien de prisonniers ont dû nouer de tels liens avec ces visiteuses, fidèles dans les épreuves !
Et pourquoi les écrivains les ignorent-ils délibérément réservant leur talent à la baleine ou au lion ?
(…)
Peut-être est-ce la simplicité naturelle de l'araignée qui lui donne cette vertu et permet ces échanges égalitaires. Je ne suis pas sûr qu'il en irait de même avec la douve du foie qui avait inventé, avant Pierre Dac, l'axiome :
"Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?"

*Mes Prisons.
Il est amusant de constater que l’un de mes ancêtres ait traduit cette œuvre (très bondieusarde) en 1844. Pour les amateurs d’ennui bien pensant, j’en possède un exemplaire.


LA DOUVE DU FOIE

La douve du foie (Fasciola hepatica), trématode responsable de la fasciolose, est un parasite du foie et des canaux biliaire qui prospère dans le foie des moutons et se rencontre occasionnellement chez le cheval. Très fréquente et très pathogène chez les ruminants, la douve se nourrit de sang et des cellules hépatiques, grandit puis pond ses œufs. Mais les œufs de douves ne peuvent pas éclore dans le foie du mouton. Tout un périple les attend…
Les œufs quittent leur hôte par les excréments. Ils se retrouvent alors dans le monde extérieur, froid et sec. Après une période de mûrissement, ils éclosent pour laisser sortir une minuscule larve. Cette larve sera consommée par l'escargot. Dans le corps de l'escargot, la douve se multipliera avant d'être éjectée dans les mucosités que crache le gastéropode en période de pluie.
Ces mucosités, en forme de grappes de perles blanche, attirent fréquemment les fourmis. Elles ne demeurent cependant pas longtemps dans le jabot des fourmis. Elles en sortent en le perçant de milliers de trous, le transformant en passoire qu'elles referment avec une colle qui durcit et permet à la fourmi de survivre à l’incident.
Puis les douves circulent à l'intérieur du corps de la fourmi, alors que rien à l'extérieur ne laisse présager le drame interne. Les douves sont maintenant adultes et doivent retourner dans le foie du mouton pour compléter leur cycle de croissance.
Le problème, c'est que les fourmis ne sont présentes dans l’herbe que le matin et au ras du sol ce qui les laisse à l'abri des moutons qui ne broutent que le haut des herbes. Dès l'instant où cette unique larve de douve s'implante dans son cerveau, le comportement de la fourmi se modifie : le soir, alors que toutes les ouvrières dorment, les fourmis contaminées par les douves quittent leur cité. Elles avancent en somnambules et montent aux cimes des herbes pour y être présentes au petit jour !
Plus impressionnant, la douve n'envoie pas la fourmi sur n'importe quelle herbe, mais sur celles que préfèrent les moutons : luzernes et bourses-à-pasteur !